Autobiodégradable

Vendredi 27 Juillet.

Allez, v’la que ça me reprend, c’est ce putain de rock français qui ressurgit ; je ne pouvais pas y échapper ; j’ai l’impression d’avoir passer la journée dedans. Ça commence par des retrouvailles. « Salut Christian ! ». On ne va pas commencer par dire, ça fait combien de temps que l’on ne s’est pas vus, même si on se reconnaît tout de suite, mais ça fait quand même 30 ans. « Ah quand même !?!?! ». « T’as pas changé, t’es comme tout à chacun, enfin comme moi, tu t’es un peu empâté ». On exécrait l’empâtage, ça nous faisait flippé quand on était plus jeune. On ne voulait pas devenir ainsi, épais, avec le gras qui vient se nicher dans des endroits précis, comme une sorte d’excroissance inéluctable. Normalement, ça se passe du côté du ventre chez les garçons. Les filles, c’est pas bien non plus, mais disons que ça fait perdre aux hommes cette habitude qu’ils ont de se retourner sur le passage d’icelles. « Hèèè !! On n’est pas là non plus pour parler de ces horreurs que je sache ??!! ». « Détrompe-toi !! C’est justement cet espèce de schisme qui existe dans le rock français, mais pas que… » Et ma soirée va avoir des exemples pour me le prouver.

Ouais, pour sûr, c’était sympa avec Christian ! « T’inquiètes mec, je vais te rapporter des photos et des enregistrements de Betrave Rock, vu que tu n’as rien de ton passé de musiciens ! ». « Mais attention, ne regrette rien sur le fait que tu n’aies pas fait carrière, c’est pas tous les jours Byzance la vie de musicos. Y’a plein de moment où tu te fais chier grave… Les répets, les voyages en camion, les balances et parfois même les concerts. C’est une question d’ambiance, d’entente, de promiscuité, de famille composée, et même artistique, puisque c’est aussi le sujet principal qui nous anime ou plus. « On a qu’à boeuffer, on verra si on se raconte le même genre d’histoire ! ». Le rendez-vous n’est pas pris, mais bon… Le soir même, mes pas m’emportent vers le haut de la ville. La Bellevilloise me tend les bras. Ce sont des vieux bâtiments recyclés en salles de musiques et forcément de rock. Ce soir, c’est burlesque, des filles qui se mettent presque à nues avec style. C’est Rock, mais dans la tête quoi ! M’étant programmé la Flèche d’Or en même temps, et n’ayant toujours pas à réussir à vaincre ce fameux don d’ubiquité, j’opte pour le départ forcé avant ce spectacle qui tarde tant. Je croise forcément un chantre, plutôt un barde, vu ses origines bretonnes, du rock français, le fameux Raskal. La camarade qui m’accompagne constate l’empâtement d’icelui. « Mais copine, nom d’un ! On a passé la date fraicheur et les 50 piges ! Ne crois pas que nous en sommes pas comme tous les autres êtres humains !… ». À ce moment, je ne réfléchis pas encore au fait que je vais croiser untel et untel.

À la Flèche d’Or, comme quelques salles Garbage* que je fréquente, y’a un truc qu’ils ne connaissent pas : la climatisation. Une vengeance personnelle des propriétaires ? Du radinisme ? Un nouveau régime ? Un poussage à la consommation ? Du rock’ n’roll ? Mais, oui du rock’n’roll. Faut qu’ça pue ! Faut qu’ça suinte ! Faut qu’ça sue ! Faut qu’ça chauffe quoi !

Le premier être croisé est un innocent aux mains pleines et sûrement pavé de bonnes intentions, enfin c’est ce qu’il s’est évertué à démontrer de sa déjà longue carrière. Bon, il a une tonsure de bon samaritain et une tête de catholique défroqué, mais il est resté filigrane. Pourtant, je suis sûr qu’il boit autant de bières que moi. C’est notre baromètre la bière. Des tas de spécialistes de mes yeukoulélés s’évertuent à dire que ça fait grossir ou pas. Ça donne bien un petit bidon aux mecs et des culottes de cheval aux gonzesses non ? À mon copain, ça lui fait rien. Salaud va !! Bertrand Belin, tout élancé qu’il est, achève son set. Mince, raté. Pourtant, c’était bien. Il pratique la chanson, mais il a été rock ; il fait partie de la famille donc. D’autres sont dans la salle. C’est au tour de Théo Hakola. Alors, lui c’est pire ! Il est grand, Américain, et il a fait toute sa carrière en France, un paquet de disques et de concerts. C’est pire parce qu’il est dégingandé. Déjà, j’aime bien le mot qui lui va si bien. Là, c’est rock. Ça chante, en Anglais, normal c’est un Yankee, mais en français aussi avec un pur accent où il s’évertue à délier les syllabes. C’est so cool !!

Avec ma camarade, les constats sur les physiques des hommes n’en finissent pas. Tiens mon copain Nicolas, peintre, batteur, bateleur, slameur et pi Oli Le Baron. Eux aussi, ils affichent bien. Duo de salauds aussi tiens !!

Bon, allez, j’arrête. «T’as un problème Stefff ??? »… « Heu…non… » Dis-je timidement. « Je voudrais juste être présentable le jour de l’apocalypse, enfin genre continuer à ne pas faire mon âge, tout en étant en forme physiquement en me rapprochant le plus possible de la valeur de poids de Lorentz et de l’indice de Quetelet, donc avec sans trop de surcharge pondérale quoi !!! »

* Joke and bad word’s game